Le 22 septembre 2024, les communes d’Archettes et d’Arches ont célébré ensemble le 80e anniversaire de leur libération. Afin d’honorer la mémoire de ceux qui ont lutté pour la liberté de ces villages pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les commémorations ne sont pas seulement un hommage au passé, mais aussi un engagement envers l’avenir.
Le Discours de Nicolas Thomas
La Libération d’Arches et d’Archettes le 22 septembre 1944 s’inscrit dans une stratégie militaire pensée de longue date et ajustée presque quotidiennement par l’armée américaine depuis les débarquements en Normandie le 6 juin 1944 et en Provence le 15 août 1944. Les troupes qui participent à la libération de nos deux communes appartiennent principalement au 179e régiment d’infanterie US, un régiment qui, formé en Virginie peu après Pearl Harbor, a participé au débarquement en Sicile et à la libération de Salerne et de Naples, ville où Curzio Malaparte décrit dans son roman La Peau la misère humaine qui règne pendant et après la libération. Le 179erégiment d’infanterie foule le sol français par la Provence et remonte les vallées du Rhône et de la Saône alors que les Vosges sont en état d’ébullition. Point stratégique pour les Allemands comme pour les Alliés, ce département est l’objet d’une rude bataille. Plusieurs parachutages d’armes à destination des maquis vosgiens, le bombardement par les Américains du quartier de la garde d’Epinal, nœud ferroviaire essentiel pour l’armée allemande le 11 mai sont autant d’éléments préparant le débarquement. Le 6 juin 1944, alors que les Alliés débarquent en Normandie, le maquis de Corcieux reçoit l’ordre de se soulever pour attaquer un poste radar et une garnison allemande.Cet ordre surprenant compte tenu des faibles forces résistantes en présence, n’est pas anodin. Il vise à créer un abcès de fixation de l’armée allemande par le maintien de plusieurs divisions loin de la Normandie et ainsi permettre le succès des opérations du débarquement Mais cela à un prix avec un durcissement de la répression dans les Vosges: de Corcieux à Eloyes, de la Piquante Pierre à Charmes et à Saint-Dié, avec la présence de Klaus Barbie et de troupes d’élites nazies à partir de l’été 1944, les arrestations, la déportation de civils, les incendies de villes se multiplient. C’est dans cet état d’esprit oscillant en espérance et appréhension que la libération de nos communes aura lieu. Ce n’est que le 19 septembre 1944 à 16h30, alors qu’il vient d’arriver à Vesoul, que le colonel Meyer commandant le 179e régiment d’infanterie apprend la mission qu’il devra conduire dans les jours à venir: sécuriser une position pour traverser la Moselle au sud d’Epinal. Un ordre similaire est reçu au même moment par d’autres régiments qui auront à conduire des opérations similaires entre Châtelet Remiremont. On estime alors que ce sont près de 15000 hommes que l’armée américaine entend déployer sur la rive gauche de la Moselle. Pour remplir sa mission, le 179e reçoit le soutien de chars et d’un régiment d’artillerie. Une force de combat se déplace immédiatement vers Jarménil. Le lendemain, le régiment se déplacent vers Bains-les-Bains, Xertigny et Hadol Haute. Un bataillon se place en soutien de parachutistes français envoyés en direction d’Epinal pour prendre son pont avant sa destruction par l’ennemi. Bien qu’étant arrivés sur leur cible, le pont a été détruit. Il ne reste alors plus un seul pont entre Arches et Epinal, celui reliant nos communes ayant été détruit en 1940 par l’armée française. Le 21 septembre, plusieurs patrouilles de reconnaissance sont envoyées à Arches constatant qu’il n’est pas possible de traverser avant le lendemain. Ils cherchent à reconnaître les passages à gué et obtiennent pour cela l’aide de certains habitants des deux communes. Ils subissent alors quelques tirs. En effet, l’armée allemande a organisé la défense de la Moselle: sur les hauteurs d’Archettes, près du réservoir, et au niveau du cimetière des batteries d’artilleries sont installées, le clocher de l’église d’Archettes quant à lui sert de poste d’observation pour l’armée allemande. En fin d’après-midi, les ingénieurs américains apportent à Géroménil des canots d’assaut et les éléments de construction d’un pont. C’est alors qu’est reçue l’information que le 141e régiment d’infanterie a traversé la Moselle à Eloyes. La tension est palpable face aux combats qui approchent. Alors que l’armée américaine n’a connu presque aucune résistance dans sa progression dans la Vôge, les deux rives de la Moselle se militarisent et l’armée allemande ne compte pas laisser les Américains franchir la Moselle. Dans la nuit, les habitants d’Arches voient arriver les troupes américaines, ceux d’Archettes se sont réfugiés dans les caves pour se protéger des tirs; ceux des cités dépourvus de caves se retrouvant dans celles du de la rue du ruisseau d’argent.
Le 22 septembre, profitant de la discrétion offerte par la nuit, la compagnie L suivant la 45e patrouille de reconnaissance tente une traversée à gué à hauteur des Savrons mais échoue face à une importante résistance: on dénombre une cinquantaine de blessés et 6 tués dans cette première tentative. Au même moment, la compagnie I tente de traverser à l’aide d’un bateau au niveau du pont actuel sans rencontrer de résistance. Cependant, le courant rapide rend plus difficile leur progression. A 6h15, l’ensemble de la compagnie L suit la voie prise par la compagnie I et sécurise le village. La compagnie F traverse quant à elle face au Chenat où 3 soldats sont tués dont Berardino Petrarca. A 10 h, le poste de commandement du régiment est installé à Arches pendant que les troupes avancent jusqu’à Mossoux. A 13h30, les ingénieurs se mettent au travail construisant un pont provisoire permettant le passage des véhicules militaires. A 15h, le poste de commandement est installé à Archettes et le ravitaillement en vivres peut rejoindre les troupes. Les blessés sont soignés, certains soldats allemands enterrés dans la forêt.A la joie de la libération, aux chants entonnés dans les cafés et aux vivres apportés par les Américains, répondent les premiers moments de l’épuration extra-judiciaire. Des collaborateurs patentés, comme le journaliste archéen Jean Hérold-Pâquis, célèbre chroniqueur de Radio-Paris ayant fui en Allemagne, aux collaborateurs supposés en passant par les règlements de compte personnels, la libération est aussi l’occasion pour la population de tirer un trait sur 4 ans d’occupation. Face à la vindicte populaire, certains doivent leur vie au curé d’Arches qui par son autorité empêche leur lynchage en les livrant aux autorités américaines. Des comités communaux de libération se mettent en place pour préparer l’épuration légale et le retour à la vie démocratique. Le franchissement de la Moselle est le premier véritable accroc de l’armée américaine dans l’Est. La résistance allemande ne fait alors que s’accroître. Le lendemain à midi, le 179e doit faire face à la fois aux tirs ennemis en même temps qu’aux champs de mines et aux arbres volontairement coupés sur les voies en direction de Mossoux. A La Baffe, les Allemands mettent le feu à certaines fermes pour créer un écran de fumée afin de ralentir la progression américaine. Car la stratégie allemande est désormais celle-là: ralentir à tout prix l’avancée des Américains afin qu’ils se trouvent bloqués par l’hiver dans les cols vosgiens, stratégie qui fut payante: Mulhouse ne fut libérée que le 21 novembre,la poche de Colmar quant à elle dut attendre février 1945 pour connaître le même sort du reste de la France.